#54 L’aventure BOCCA en 3 épisodes

Tout au long de l'année, vous avez suivi via notre Instagram ou notre newsletter l'histoire de BOCCA, le nouveau restaurant du Groupe Panorama qui a ouvert ses portes en juillet, à Nice. Une aventure riche en découvertes, puisqu’il s’agissait du premier projet pour lequel j'étais impliquée de A à Z : concept, ADN, projet architectural, budget, planning, travaux, suivi de chantier et décoration; le tout sur 600m2.

Vous avez été nombreux à m'avoir demandé comment cela s'était déroulé et quels avaient été les principaux challenges compte tenu du fait que j'étais complètement novice dans ce domaine... :)
Alors avec Maïlys, rédactrice pour Adjamée depuis maintenant 3 ans, nous nous sommes lancé un nouveau défi : vous raconter les coulisses de cette mission - difficultés, fun facts, astuces… – le tout à travers les yeux d'une apprentie en décoration d'intérieur. 

Un projet de longue haleine qui s’est scindé en 3 grandes phases et que nous vous raconterons donc en 3 épisodes : l’élaboration du projet, sa mise en œuvre et son exécution.

J'espère que cela vous plaira ! 

Avant de commencer, un chouïa de contexte : pour rappel BOCCA est le 4ème restaurant pour lequel je travaille en partenariat avec le Groupe Panorama - mené par Jean Valfort, Jean-François Monfort et Charles Drouhaut - depuis que nous avons lancé Adjamée Concept en 2019, la branche Conseil & Conception sur-mesure d’Adjamée. 

Avant il y a eu Farago on the roof, à Nice à l’été 2018, le restaurant Bolinas, à Cap d’Ail en mai 2019, et la pizzeria ZOLA !, cet hiver à Paris. Des projets riches d’enseignements en tout genre qui m’ont peu à peu donné les clés pour pouvoir participer à la création d’un concept autour d’un lieu et aider au suivi de sa réalisation, étape par étape. 

 
Restaurant Bolinas, à Cap d’Ail.

Restaurant Bolinas, à Cap d’Ail.

RPizzeria Zola !, à Paris.

Pizzeria Zola !, à Paris.

Si travailler sur des chantiers tels que Farago on the roof et Bolinas m’ont aidée à peaufiner ma maîtrise de l’aménagement et de la décoration d’intérieur, travailler sur ZOLA ! m’a initiée à la décoration d’un restaurant à nu et familiarisée avec la gestion du planning et du budget… La partie immergée de l'iceberg, pourtant fondamentale pour sa réalisation. 

En octobre 2019, j’ai donc fait le grand saut, m’impliquant à la fois sur la direction artistique, le budget, le planning, les travaux, l’agencement, l’aménagement et la décoration de BOCCA.

Newbe en la matière, j’ai ainsi pris un nouveau virage sur l’architecture et la décoration d’intérieur, travaillant main dans la main avec les restaurateurs du Groupe Panorama sur la conception de BOCCA. 
Une collaboration primordiale car lorsqu’on crée un nouvel espace, l’aspect marketing et l’ADN de marque doivent être mis au service du restaurateur, de ses clients et du lieu.
À mon sens, créer un restaurant sans l’équipe ne peut donc pas fonctionner. Connaissant parfaitement leur domaine, eux seuls sont en effet capables de penser aux réflexes utilitaires et d’usage : quel flux de staff, quelle taille de stockage, de cuisine, son agencement, etc… 

Une aventure humaine et créative donc, puisqu’à l’instar d’une grossesse, nous avons porté ce projet ensemble, respirant, buvant et mangeant BOCCA durant quasiment 10 mois.

 

Épisode 1 : L'élaboration du projet

ou plus exactement “l’avant-projet”

L’objectif est de répondre à la question : « Quoi ? »

 

 LE CONTEXTE, LE LIEU 

 

Un ancien restaurant et bar à cocktails surnommé « Le Hussard » situé au 3 rue saint François de Paule, à Nice, à quelques mètres du Cours Saleya et de la mythique Promenade des Anglais.

En tout, 650 m2 de surface s’étendant sur 3 niveaux – un “couloir rez-de-chaussée”, un 1er étage et un toit terrasse de 250 m2 chacun – avec à l’entrée du bâtiment, des boutiques de souvenirs.

 

L’AVANT PROJET “SOMMAIRE”

 

Il s’agit de tout le travail à effectuer en amont : le concept, la DA, l’ébauche d’agencement ou le zoning, l’estimation budgétaire et les objectifs du planning.

 

> Quelle taille ? Quel agencement ?

 

Le travail d’avant-projet débute par une réflexion avec l’équipe de restauration afin de déterminer ce qu’ils souhaitent proposer et comment le matérialiser : 

  1. Quelle taille le restaurant va avoir, sachant que sa superficie détermine évidemment sa capacité d’accueil et le choix de cette dernière engendre des contraintes. Il existe en effet plusieurs catégories d’ERP (Établissement Recevant du Public) en fonction de la capacité. BOCCA est un ERP 5 ce qui permet d’accueillir 200 couverts en simultané.

  2. Où positionner les éléments clefs : la cuisine, la salle, le bar et les toilettes ? Les espaces techniques tels que l’espace de stockage ou les poubelles ? 

N.B : Avoir une chambre froide pour conserver les aliments au frais, située près de la cuisine afin d’éviter que le cuisinier traverse tout le restaurant en plein service lorsqu’il doit réapprovisionner ses placards…

Anecdote : Initialement dans le bâtiment, tout ce qui était lié “au réseau” et qu’on appelle souvent “baie de brassage – les compteurs, la wifi…” – était au sous-sol. Imaginez qu’il y ait une coupure d’électricité et devoir descendre à la cave 2 voire 3 étages plus bas pour tout relancer…
De même que, les toilettes étaient au sous-sol, ce qui suppose que les clients devaient descendre trois niveaux pour aller aux toilettes lorsqu’ils étaient sur le rooftop… Motivés ? La question s’est donc posée de les installer au 1er à la place de la cuisine actuelle. Mais où met-on la cuisine du coup ? ;-)

Suggestion : Pourquoi ne pas avoir une cuisine et un bar ouverts sur la salle ?

Avoir une cuisine ouverte est un autre challenge car elle se pense très différemment d’une cuisine fermée, tant en termes d’esthétisme que de rangements ou de matériaux. Comme pour chez un particulier, ça suggère d’avoir un espace beau, propre, rangé mais avec moins de rangements. Facile..!

N.B : Dans un restaurant, les flux de “propre” et de “sale” n’ont pas le droit de se croiser. C’est-à-dire que quelqu’un qui rapporte des assiettes vides n’a pas le droit de croiser quelqu’un qui sort avec des assiettes prêtes à servir. 

Comment agencer tous ces éléments dans le restaurant fut donc un vrai challenge, première grande découverte de mon côté !

3. Le zoning : Sachant que nous avions le droit à 200 personnes, on a pu ensuite pu passer à la phase de zoning, c’est-à-dire comment répartir les clients au 1er étage et sur la terrasse ainsi que les consoles de service.

Grâce à son expérience, l’équipe de restauration est capable de faire des recommandations. Par exemple : « On a plus de personnes qui viennent à 2 » ou au contraire « On a plus de personnes qui viennent en groupe », etc. Le tout complété par l’ambiance souhaitée, des grandes tables à partager vs des tables de deux ? Des chaises individuelles vs des banquettes ?

 

> Quel ADN ? Quel concept ?

 

En parallèle de tout ça, j’ai travaillé sur la proposition “concept/DA/déco” à partir des informations que le Groupe Panorama m’avait transmises : le type du restaurant qu’ils souhaitaient créer, l’ADN de marque et la mercuriale (la carte).

Un brief que je devais concrétiser davantage en développant un concept marketing, en expliquant le parcours client et en délimitant les espaces avec une proposition de déco associée

L’objectif était de transformer l’ancien restaurant en un Farago XXL connu pour sa « social food », soit un restaurant où l’on partage l’amour du soleil, une cuisine méditerranéenne sans passeport et les meilleurs rosés de la région. En somme, un lieu où tout le monde peut s’y retrouver, adapté à toutes les envies et tous les budgets

J’ai débuté mon processus de réflexion à partir de la convivialité, ce qui m’a aussitôt fait penser au concept de la maison. J’ai donc cherché quels étaient les codes de la maison que je pouvais appliquer au restaurant. 

Travail donc de recherches sur Pinterest et dans différents magazines pour traduire mes propres idées au travers d’images, ce qui n’est pas toujours évident. 

Puis, j’ai proposé trois moodboards d’inspiration pour un restaurant en deux espaces.

À l’intérieur : 

  • un couloir de 10 mètres de long au rez-de-chaussée, première vitrine du restaurant ;

  • un escalier avec 5 mètres de hauteur sous plafond ;

  • un 1er étage comprenant la salle de restauration, la cuisine, le bar et les toilettes

À l’extérieur, au 2e étage ; le “rooftop” équivalent en termes de superficie au 1er étage.

Grâce aux retours de l’équipe, on a ensuite affiné la proposition. BOCCA a ainsi été conçu comme une maison à la cuisine et au décor méditerranéen mêlant :

- Une ambiance conviviale, chaleureuse et accessible

Idées : Toutes les générations s'y mélangent, en duo comme en groupe. On entre par le jardin — un couloir végétalisé – pour arriver au coeur de la maison, le salon, avec ses tables en bois et ses grands tapis. Au loin la cuisine et le bruit des casseroles perceptibles grâce à un bar ouvert. Pour enfin, avoir la possibilité d’aller s’aérer sur la terrasse, le rooftop végétalisé.  

- à la notion de partage et d’authenticité 

Idées : Tapas à partager entre amis, grandes tables sur lesquelles se mélangent les groupes. 

- Sans oublier que les restaurants Farago, c’est également une expérience fun, surprenante et décalée !

Idées : Inviter l’extérieur à l’intérieur avec un verger comme entrée. Penser les toilettes en complet décalage avec le reste.

 

> Quel nom ?

Baptisé « Bocca » donc — dualité du mot : d’un côté « bouche » en italien à l’image de la Méditerranée qui réunit de riches cultures, et de l’autre il définit les « vergers » dans les pays du Maghreb. Nature, profusion, et végétal, le ton est donné pour ce restaurant à l’intérieur comme à l’extérieur.

 
 

> Quel budget ?

Nous avions une enveloppe de départ estimée par Jean Valfort en fonction des expériences de ses précédents chantiers et de son financement.

Un budget que j’ai relu sur les éléments que je maîtrisais : la partie mobilier et menuiserie; sachant, par exemple, combien coûte une table et de combien nous en avions besoin…

La gestion budget est une des questions qu’il faut traiter dès le début et que l’on suit ensuite tout au long du projet... Certains aléas peuvent en effet venir impacter notre budget en cours de route !

 

> Quels objectifs d’ouverture ?

Nous souhaitions initialement que BOCCA ouvre ses portes pour Pâques, qui marque le début de la saison dans le Sud, mais l’ouverture du restaurant a finalement été décalée à mi-juillet à cause du Covid-19. 

N.B. Tenir ses objectifs de planning : On l’oublie mais durant toute la durée des travaux, l’équipe doit payer des charges fixes, dont le loyer du restaurant par exemple, sans pouvoir compenser avec des rentrées d’argent puisque le restaurant n’est pas encore ouvert au public. Il y a un véritable enjeu à gérer le projet et surtout le chantier pour ne pas prendre de retard sur le planning.

 

L’ACCOMPAGNEMENT

La concrétisation de l’avant-projet sommaire APS en avant-projet définitif APD

Pour attaquer ce chantier, nous nous sommes fait accompagner par LBA Performances, à la fois contractant général et maître d’œuvre.

N.B : Maître d’ouvrage = le restaurateur, le client vs Maître d’oeuvre = chargé de la réalisation des travaux.

Ils nous ont aidés sur :

  • l’étude du projet,
    À partir du moment où nous avons présenté le projet à LBA Performances – le lieu, les plans, ce que nous voulions en faire, l’ADN du restaurant… – ils nous explicité les travaux à entreprendre, ce qui a impacté :

    • la liste des corps de métier nécessaires, avec pour chaque corps de métier une mise en concurrence de différentes entreprises ;

    • le budget et le planning approximatifs ;

  • la constitution de l’Avant-projet définitif (APD) à partir de l’Avant-projet sommaire (APS). À noter qu’habituellement, l’APD est à la charge de l’architecte du chantier, mais en l'occurrence nous n’en avions pas pour BOCCA ; 

  • les formalités administratives : dans notre cas, nous avons déposé une “DP”, c’est-à-dire une demande au préalable auprès de la mairie qui indique tous les changements à venir. La demande de permis de construire ne concerne en effet que les chantiers où il y a démolition et reconstruction, ce qui n’était pas notre cas ;

  • la réalisation des plans et des descriptifs techniques des travaux.

C’est ensuite “nous, les clients”, qui avons reçu les devis et validé les prestataires.

  • LBA Performances a repris la main, gérant le planning d’intervention de chaque corps de métier. Pour organiser le calendrier, les prestataires sélectionnés ont ainsi été tous convoqués sur les lieux lors d’une première réunion de chantier. Impérativement constitué par le maître d’œuvre dès le début du projet, le planning est estimé en partenariat avec les différents artisans. Lorsqu’on décide par exemple de faire des murs à la chaux, c’est en parlant avec les prestataires qu’on va pouvoir établir une estimation de temps. Certains diront par exemple : « Je pense que cela va prendre entre 3 et 4 semaines ». Il s’ajuste constamment en fonction des échanges avec les corps de métier et de l’évolution du chantier (Episode 3).

Le chantier

On dénombre 3 étapes fondamentales dans la construction d’un chantier : 

  1. Le « gros œuvre », à savoir tout ce qui a trait à l’édifice en lui-même pour éviter qu’il supporte le poids du mobilier, de la clientèle et ne s’écroule dès la première tempête venue ;-) : les fondations, l’assainissement…

  2. Le « second œuvre », soit tout ce qui s’appuie sur le « gros œuvre » : le revêtement, la plomberie, l’équipement… 

  3. La décoration, destinée à embellir l’endroit et à lui conférer une réelle identité : la végétation, le mobilier...

N.B. Nous n’avions pas d’architecte pour BOCCA mais généralement, c’est lui qui crée le concept et le concrétise d’un point de vue esthétique, sous forme de plans à plat et de plans d’élévation.
Par contre, ce n’est pas lui qui réalise les plans d'exécution finaux, ce sont les corps de métier concernés qui le font, comme le plaquiste ou le menuisier chargé de créer des niches dans les murs. Ainsi, s’il y a un problème dans la réalisation d’un élément c.f. une étagère s’écroule, ce n’est pas de la faute de l’architecte mais de la personne qui l’a construite.

J’ai pu travailler avec LBA Performances dès le début du projet. Une collaboration extrêmement riche en terme d’apprentissage, autant sur la construction et l’exécution d’un projet, que la sélection des prestataires, le suivi d’un chantier, ou la gestion d’un budget.

Spoiler Episode 2 !

LE CURAGE : Étape 1 du chantier

“Mens sana in corpore sano”

 
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Une fois toutes ces étapes réalisées, nous avons pu nous lancer dans le curage de l’ancien restaurant.

L’objectif ? Gratter toutes les surfaces afin qu’il ne reste qu’une coquille vide.
Cette étape est déterminante car c’est en révélant la structure du bâtiment, que l’on se rend compte si notre projet est viable, si nos idées sont réalisables et si nos estimations de budget et de planning étaient justes. Elle doit donc arriver suffisamment tôt dans le processus afin de nous faire gagner du temps en cas de mauvaises surprises… 

On ne vous en dit pas plus, la suite à découvrir dans l’épisode 2 !


> Talissa nous parle de BOCCA…

En complément de cet article, nous avons souhaité inaugurer un nouveau format afin que Talissa – fondatrice d’Adjamée – vous explique de vive voix comment s’est déroulée l’élaboration de ce projet. 

Vous avez aimé ? Découvrez la suite dans le prochain épisode. Nous vous raconterons cette fois-ci comment s’est déroulée la mise en œuvre du projet : la création d’une banque de prestataires, la retranscription de l’ADN du restaurant dans l’espace, la plus-value d’Adjamée Concept en terme de décoration d’intérieur…

 

Un projet de décoration ou une idée de rénovation en tête ? N'hésitez pas à nous écrire pour un premier échange : talissa@adjamee.com.

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Talissa Bachelot